La pandémie 5 ans plus tard: plus de 12 000 jeunes ont décroché pendant la crise sanitaire

La pandémie a chamboulé le parcours scolaire de milliers d’élèves du Québec, qui ont été nombreux à tourner le dos à l’école pendant cette période: en 2021-2022, le taux de décrochage a atteint un sommet inégalé en dix ans, alors que 16,3% des élèves ont abandonné leurs études, ce qui représente plus de 12 000 adolescents.
Cette année-là, les garçons étaient encore une fois plus nombreux à avoir abandonné leurs études secondaires que les filles : leur taux de décrochage se situait à 20 %, comparé à 12,7 % chez les filles, selon le ministère de l’Éducation.
Cédric Clouâtre, aujourd’hui âgé de 19 ans, fait partie de ces statistiques.
«À la base, l’école, ce n’était pas très facile pour moi. La pandémie, ç’a été la goutte de trop», lance-t-il.
Cédric était en troisième secondaire en mars 2020, lorsque tout a basculé. «Pendant l’école en ligne, au printemps, ça ne marchait, pas, je n’apprenais pas grand-chose», raconte-t-il.
Le retour en classe à l’automne, dans une nouvelle école à la suite d’un déménagement, n’est pas non plus évident, puisqu’une journée sur deux doit se dérouler à la maison, devant un écran. Cédric a fini par décrocher au début 2021.
«Avec l’école en ligne, c’était vraiment trop facile de faire autre chose. Ç’a été un facteur majeur dans ma décision», explique-t-il.
Il s’en est suivi «un long deux ans», pendant lequel il a tenté un retour infructueux à l’éducation aux adultes.
Le jeune homme fréquente aujourd’hui l’École du milieu de Lévis, qui offre un enseignement individualisé aux raccrocheurs, et veut obtenir son diplôme d’études secondaires pour s’inscrire dans une technique en travail social l’an prochain.
Des impacts qui se font toujours sentir
Enseignante-orthopédagogue à l’École du milieu depuis 15 ans, Stéphanie Paquet affirme que les impacts de la pandémie se feront sentir encore longtemps. Ceux qui ont poursuivi leurs études ont aussi souffert de tous ces chambardements, qui se font encore sentir aujourd’hui, souligne-t-elle.
«Les difficultés scolaires sont beaucoup plus grandes, les élèves ont plus de retard», affirme-t-elle.
Comme plusieurs intervenants du réseau scolaire, elle souligne à quel point l’anxiété sociale a aussi grimpé en flèche chez les jeunes depuis la pandémie.
«Ils ont complètement perdu leurs habiletés sociales, ils ne savent plus comment entrer en interaction avec les autres», affirme-t-elle
Le Québec reste néanmoins l’une des provinces canadiennes où les élèves ont le moins manqué de journées d’école en raison de la pandémie, souligne pour sa part Mélanie Marsolais, directrice générale du Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage scolaire.
Les jeunes ont été nombreux à décrocher pendant la pandémie, mais certains ont aussi vu le marché du travail comme une bouée de sauvetage permettant de s’échapper de la maison, où la promiscuité avec la famille n’était pas toujours facile à vivre, surtout en milieu défavorisé.
Occuper un emploi pourrait avoir eu «un effet de protection» pour certains jeunes provenant de familles dysfonctionnelles, souligne-t-elle.
D’autres impacts de la pandémie en éducation
Dégringolade des résultats en français
Après une pause de deux ans en raison de la crise sanitaire, les épreuves ministérielles ont repris du service en juin 2022, ce qui a mené à un constat troublant: le taux de réussite à l’épreuve d’écriture en cinquième secondaire a chuté à 69,8%, le plus bas score depuis au moins dix ans. En 2019, le taux de réussite s’élevait plutôt à 78,9%. Québec a pourtant mis en branle dès l’hiver 2021 un plan de rattrapage assorti d’un budget de 85 M$ qui a été bénéfique, selon l’experte mandatée pour l’évaluer, mais insuffisant pour freiner cette dégringolade en 2022. Le taux de réussite en écriture à la fin du secondaire est toutefois reparti à la hausse en 2023 avant de redescendre un an plus tard, pour se situer maintenant à 70,7%.
Augmentation du temps d’écran chez les jeunes
Les parents qui ont été en télétravail avec des enfants à la maison ont été nombreux à affirmer «l’avoir échappé» pendant la pandémie: le temps d’écran chez les jeunes a grimpé en flèche lors des confinements et il a été bien difficile de revenir aux habitudes prépandémiques par la suite. Or l’impact a été dévastateur pour certains élèves, selon des directions d’école qui observent davantage de retards de langage, de troubles de comportements, de difficultés à écrire de même qu’à socialiser, a-t-on appris cet automne dans le cadre des consultations menées par la commission spéciale sur l’impact des écrans chez les jeunes.
Hausse des problèmes de santé mentale
Anxiété, dépression, taux de détresse psychologique élevé et troubles alimentaires: les études faisant état des répercussions négatives de la pandémie sur la santé mentale des jeunes ont été nombreuses. Les adolescents et les jeunes adultes ont particulièrement souffert des confinements imposés durant cette période, alors que leur cerveau est en plein développement. Dans le milieu de l’éducation, des intervenants ont été nombreux à témoigner des impacts des problèmes de santé mentale de leurs élèves sur leur cheminement scolaire et personnel. Les jeunes qui ont le plus souffert de la pandémie ont souvent été ceux qui étaient déjà fragiles, avant l’apparition de la COVID-19.